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L'AGRESSIVITE EN COLLECTIVITE

I- Définition

Dans le développement affectif et social, vers la fin de la première année, l'enfant multiplie ses découvertes et s'éloigne de plus en plus du regard de ses parents. Cette prise d'autonomie le confronte à des dangers et donc la mise en place de règles et d'interdits par l'adulte est nécessaire. C'est à ce moment que surviennent ... :

  • L'opposition : l'enfant va vérifier la fiabilité de l'adulte en testant sans cesse les limites et les interdits.

  • L'agressivité : il s'agit d'un acte non contrôlé, qui s'exprime contre l'autre et par la même, contre soi. «L'agresseur» est submergé par des émotions qu'il doit exprimer pour rétablir un équilibre psychique.

L'enfant est très possessif avec les jouets, il les serre contre lui et s'enfuie : ce comportement est naturel, l'enfant doit apprendre à posséder avant d'apprendre à partager.

 

Dans un premier temps, il faut pouvoir comprendre d'où peut venir cette agressivité. L'enfant témoigne d'une agressivité car il imite ce qu'il peut observer des relations entre enfants et/ou adultes où pour lui l'agressivité est une réaction normale. Dans son comportement agressif, il peut y réclamer une attention, car ses besoins affectifs ne sont pas pris en considération et donc n'a pas de place pour considérer les émotions des autres. L'agressivité peut se manifester suite à un évènement nouveau dans la vie de l'enfant (nouveau bébé, séparation, dispute,deuil...) où il essaiera de s'adapter à ce changement mais ceci le fatiguera et le rendra irritable. 

L'agressivité est propice aussi lorsque l'enfant a un quotidien où il est stimulé et excité sans cesse. Aussi, s'il est puni trop régulièrement, sévèrement ou s'il a le dernier mot dans ces moments d'agressivité, il va croire que son comportement hostile est toléré.

II-Comment nous pouvons les aider à s'exprimer autrement ?

        A- Le rôle des jeux et ateliers

  • Atelier construction-démolition :  L'enfant peut construire pour détruire. L'adulte, pour favoriser la socialisation, peut appliquer une règle : « on peut détruire ce que l'on construit ». Le but est de laisser espacés dans la journée pour libérer ces tensions, les colères... Sinon on observera l'effet inverse : des actes d'agressivités différés dans lesquels les enfants pourront parfois mordre ou taper sans raisons apparentes.

 

 Jeux calmes et dynamiques :Il est important de pouvoir proposer autant de jeux calmes que dynamiques. Ces temps de  jeux doivent leur permettre d'apprendre à maîtriser leur force et leur corps, par exemple : proposer des activités où l'enfant doit pousser des choses lourdes, il sentira une résistance et devra pousser plus fort. Si l'enfant a tendance plutôt à griffer, favoriser les jeux où les mains sont mises à l'action car la tension passe par ses doigts pour être évacuée (jeux de sable, pâte à modeler...). Pour les morsures, favoriser les anneaux de dentition, une poupée, un jouet, son doudou.

 

Si on constate qu'un enfant à besoin de mordre, taper, griffer etc... l'orienter vers ces jeux et ne pas l'interdire : à cet âge, ils transgressent les règles donc vont tenter de toute façon, alors privilégier le « tu peux faire ça là-bas ! » plutôt que le « tu ne fais pas ! ».

 

Lors des temps libres : Au quotidien, on peut réduire l'agressivité de l'enfant en organisant des petits groupes,en lui apprenant les règles de l'échange, d'attendre son tour, accepter et reconnaître l'autre, s'en distinguer, mettre des mots sur ses sentiments : « Tu n'es pas content car il a pris ton jouet / parce qu'il t'a fait mal... »

 

L'adulte doit veiller à favoriser l'autonomie de l'enfant en lui offrant un espace suffisamment protégé pour limiter les interdits et dans lequel l'adulte maintient un lien par la voix, le regard. Observez-le entrer en relation avec les autres et aidez-le à identifier  ses nouveaux besoins,frustrations... : «  Tu n'y arrives pas et tu pleures / Tu veux prendre ça?  ».

Dans ces temps libres, offrez-lui des jouets (peluches, personnages, animaux...) en leur expliquant que dans ce contexte de jeu, ils peuvent exprimer et faire leur agressivité. Alors que dans la section, on règle les problèmes avec des mots, gestes et/ou les adultes. Par ce biais, on permet à l'enfant d'avoir un lieu pour exprimer et sortir cette agressivité, qui est normale et indispensable à cet âge.

     B- Le comportement de l'adulte

Il est important de préciser que notre intervention et accompagnement doivent être proposés systématiquement auprès de l'enfant« agresseur » et de l'enfant « agressé ».

En effet, chez l'enfant qui subi l'agressivité, nous observons souvent une passivité (quand il se brûle, il n'enlève pas sa main, ou ne se défait pas de l'enfant qui le mord).  L'enfant, en fait, attendrait que la douleur cesse d'elle-même : « si je ne bouge pas, elle s'arrêtera d'elle-même ». Par conséquent, il faut apprendre aux enfants des phrases pour empêcher de se faire agresser. L'enfant « agressif » doit nous questionner tout autant qu'un enfant qui ne l'exprime pas, et en donnant de l'attention aussi à l'enfant blessé pour le consoler, l'enfant «agresseur»  comprendra que faire mal n'est pas un bon moyen d'avoir de l'attention.

Auprès de « l'agresseur », il est important de l'accompagner pour identifier, mettre dans un contexte et comprendre, les moments où il exprime son agressivité (est-ce une façon d'affirmer son autonomie ? Une réaction à la frustration ?). A partir de ce moment, il faudra poser les bases de la communication et de la socialisation avec lui, par exemple : « Ici, on ne fait pas ça quand on est en colère mais on le dit avec des mots ou l'aide d'un adulte », proposez-lui des phrases ou attitudes pour la situation. N'hésitez pas aussi à mettre des mots sur ses émotions, qu'il sache que vous le comprenez : « tu es fâché parce que tu ne peux pas jouer à ... » « dis 'je suis fâché' ».

Après un acte agressif, incluez l'enfant qui a agressé dans la consolation / le soin auprès de l'enfant blessé. Aussi, isolez l'enfant« agresseur » dans un endroit neutre si nécessaire, mais ne négligez pas le moment affectueux quand la punition est levée. Adoptez un comportement calme et ferme, évitez de lui dire « tu es méchant », cela nuit à l'estime de soi et c'est son geste / attitude qui est méchant. Indiquez-lui que son comportement n'est pas acceptable « non tu ne pousses pas, ça fait mal » par exemple ; puis expliquez-lui les conséquences de ses gestes « quand X t'a tapé, ça t'a fait mal ? C'est pareil pour Y, ça lui a fait mal ».

En conséquence, un laxisme face à des manifestations agressives ou un interventionnisme trop important sont dans les deux cas déstructurant pour l'enfant. Laisser l'enfant tout faire sans réagir, sans lui donner de limites revient à ne pas le reconnaître, or l'enfant a besoin de ce regard extérieur pour prendre confiance en lui et faire ses expériences en toute sécurité. 

A l'extrême, trop interdire, montrer une trop grande sévérité rend l'enfant inactif, sans personnalité, il ne vit pas pour lui mais pour son entourage. L'agressivité semble être un comportement inné chez l'homme, vouloir la réduire ou même l'annuler peut entraîner chez l'enfant de terribles angoisses liées au sentiment de culpabilité.

C- Un acte agressif : la morsure

Vous trouverez ci-dessous, des extraits de l'article intitulé « Agressivité » de Miriam Rasse, psychologue en crèche et directrice de l'association Pikler-Lockzy.

' La morsure, décharge brutale de tension

Au-delà de la première année, la morsure reste un acte impulsif que l'enfant ne peut contrôler, ni maîtriser. Il correspond souvent à la décharge brutale d'une tension, d'un malaise intérieur, d'une frustration qui submerge l'enfant et qu'il ne sait pas encore exprimer par des mots. C'est pourquoi, si l'enfant agressé à besoin d'être consolé, « l'enfant agresseur » a aussi besoin de trouver réconfort et compréhension de la part de l'adulte.

La réponse agressive de l'adulte

Quelle signification peut avoir une réponse agressive,elle aussi, de la part de l'adulte ? L'enfant ne sait pas comment exprimer autrement son malaise et n'en saisit pas toujours la nature. S'il agresse un autre enfant, ce n'est pas particulièrement qu'il en veuille à cet autre, mais qu'il a besoin de protéger son être qu'il sent tout à coup menacé et qu'il veut nous signifier que quelque chose le perturbe.

Et voilà que l'adulte, au lieu de l'aider à comprendre ce qui se passe en lui, le gronde, le gifle ou même le mord à son tour. Ce qui veut dire, pour l'enfant, qu'il n'a pas le droit d'exprimer une difficulté, ou bien ce qui lui prouve que la violence est quelque chose de possible, à condition d'être le plus grand et le plus fort.

Il n'est pas non plus question de cautionner l'expression de l'agressivité, mais l'adulte est là pour signifier à l'enfant qu'il a le droit d'être en colère, d'être malheureux, de souffrir de certaines situations, mais n'a pas le droit de faire mal à un autre. L'adulte doit signifier à l'enfant qu'il est là pour l'aider à comprendre ce qui le perturbe,à atténuer son malaise intérieur et à rechercher d'autres moyens d'exprimer sa souffrance et sa violence qu'en agressant un autre enfant. On peut essayer d'en parler et c'est à l'adulte de mettre des mots sur ce qu'il peut comprendre de la difficulté, de la frustration de l'enfant. L'adulte peut aussi lui proposer un mode symbolisé d'expression de sa violence plutôt qu'un passage à l'acte impulsif : tous les jeux symboliques - dont les enfants sont capables dès le milieu de la deuxième année - (jeux de poupée, voitures, construction...) leur permettent de rejouer des situations qu'ils ont vécues et de mettre en scènes des conflits ou des angoisses que certaines d'entre elles provoquent en eux. Au lieu de se trouver envahi et submergé par ses préoccupations, le jeune enfant peut alors les élaborer. '

À la suite, vous pourrez lire un extrait d'un article traitant de la morsure par Héloïse Junier, psychologue.

' Pourquoi un enfant mord ?  


  • Ce n'est pas de la violence

Un jeune enfant n'a pas l'intention ni la compréhension de faire mal à l'autre ! Ces manifestations peuvent avoir différentes origines. Ces conduites peuvent être la manifestation d'une pulsion, d'une excitation positive comme négative.Cela peut être une manière pour l'enfant de se décharger d'une frustration, mais aussi de communiquer avec un autre enfant.

  • Il découvre le monde par la bouche

Si la morsure est aussi récurrente, c'est en partie parce que la bouche est pour l'enfant un organe de découverte du monde qui l'entoure, un peu comme une troisième main.

  • Il ne peut contrôler ses pulsions
Il ne faut pas oublier qu'un jeune enfant n'est pas encore en capacité d'inhiber ses pulsions, ni ses émotions, et encore moins de les raisonner. Certaines parties de son cerveau ne sont pas assez matures pour cela, notamment la partie frontale. A ce titre, sachez qu'un cerveau n'est pas pleinement mature avant l'âge de...25 ans !

  • C'est son moyen d'expression
Plus la parole va se développer, moins l'enfant aura besoin de mordre pour s'exprimer ou entrer en communication. Cela dit, en cas de grande frustration, l'enfant s'exprime avec l'outil qu'il maîtrise le plus : son corps ! En effet, bien souvent quand il est empreint à une émotion forte, il sollicite spontanément sa main, sa bouche ou son pied, et non de la parole comme on pourrait l'espérer.

  • Il a besoin d'attention
Il faut savoir que de nombreux comportements « inadaptés » du jeune enfant en section, comme à la maison, sont le résultat d'un manque d'attention ou decontenance de la part de l'adulte. C'est en partie pour cette raison qu'un enfant se comporte souvent différemment quand un adulte lui accorde toute son attention, à l'occasion d'une observation soutenue et individualisée.

  • Une phase temporaire 
Cette phase de « morsures » est temporaire. Elle peut durer quelques jours comme quelques mois. Celle-ci dépend de nombreux facteurs, dont le développement de l'enfant, sa vie à la maison mais aussi et surtout, de votre propre manière d'accompagner l'enfant et le groupe durant la journée. La collectivité peut être une source de stress importante pour les très jeunes enfants, d'autant plus s'ils sont nombreux à se déplacer dans un même espace et si les professionnels sont eux-mêmes stressés.

Comment réagir ? 


  • Sur le plan individuel 

Prenez le temps d'accompagner l'enfant qui a mordu. Rappelez-lui la règle d'orde la vie en collectivité : « tu n'as pas le droit de faire du mal à l'autre tout comme personne n'a le droit de te faire du mal ». Pourquoi ne pas lui montrer les larmes sur le visage de l'enfant, ne serait-ce que pour le sensibiliser à l'émotion qui a été induite par cette morsure.   

Attention à bien conserver une posture ferme mais bienveillante quand l'enfant transgresse. Elever la voix ou être nerveuse et agressive ne peut que cultiver la frustration et la tension de l'enfant. Alors que l'enfant a justement besoin d'être apaisé. Rappelez-vous que la douceur reste le meilleur antidote de la frustration.

Gardez en tête que son comportement reste une réaction à un besoin. Votre objectif numéro 1 va donc être de traiter la cause de cette manifestation d'agressivité (c'est-à-dire de répondre aux besoins de l'enfant) plutôt que la conséquence. Dès que le comportement se présente, prenez le temps de vous poser cette question : « que se passe-t-il ? De quoi l'enfant a-t-il besoin ? »

Anticipez ! Bien souvent, les enfants nous adressent des signes précurseurs d'inconfort ou de nervosité avant de se mettre à mordre ou à taper un autre enfant. Soyons donc vigilants.  Lorsque vous sentez que l'enfant devient trop excité, trop tendu, trop agité, n'hésitez pas à lui proposer une nouvelle stimulation pour capter son attention et/ ou lui proposer un câlin réconfortant (à condition que vous soyez vous-même détendu !).

Proposer régulièrement à l'enfant de le prendre dans vos bras. Le contact physique bienveillant avec l'adulte permet de l'apaiser, par la sécrétion naturelle et spontanée de l'ocytocine, l'hormone de l'attachement. Cet anti-stress naturel va favoriser un sentiment de bien-être chez l'enfant.

Lui accorder une attention visuelle positive et souriante (contenance visuelle). Un rapport chaleureux et individuel avec l'adulte permet de ressourcer l'enfant.  

N'hésitez pas à lui confier des petites missions quand vous le sentez trop nerveux : celles-ci vont capter son attention, cultiver une estime positive de lui-même, d'autant plus si vous l'encouragez et le félicitez à la fin ! '

sources:


  • arzela.lestarquit.free.fr/Halte-Garderie/parutions/j-dossier.doc
  • Livre DEEJE Diplôme D'État d'éducateur de jeunes enfants: Domaine de formation 1 à 4 Broché - 4 juin 2014 de Jacqueline Gassier, Céline Rose, Christophe Valette

LIVRE DEEJE Diplôme d'État d'éducateur de jeunes enfants:Domaines de formation 1 à 4 Broché - 4 juin 2014 de JacquelineGassierCéline RoseChristopheValette